La maison Charron

 

La Maison Charron

Située dans le parc Jacques-Cartier[1], la Maison Charron, ou Charron-Poupart comme il serait plus juste de l’appeler, est la construction plus ancienne de la ville de Gatineau[2].

C’est en avril 1827 que la P. Wright and Sons commence à vendre des terrains selon un régime d’accords «à constitut»[3], dans le nouveau «village d’en bas». Les locataires s’engagent devant notaire à payer un loyer fixe pour le terrain, ainsi que des taxes, sans jamais pouvoir devenir propriétaires du sol. En cas de défaut de paiement, ils perdent les maisons construites sur ces lots, sans être indemnisés du coût des améliorations qu’ils ont apportées à leurs demeures.

On ne vend que huit terrains, ce qui est très inférieur aux prévisions des Wright.

François Charron, 22 ans, et Sophie Miville, 18 ans, s’épousent le 25 mai 1822, à Oka. Ils s’installent à Montebello où ils pratiquent l’agriculture. Sophie y donne naissance à trois enfants, Louis Arsenne en 1823, Joseph Édouard en 1826 et Henriette en 1828.

En avril 1827, le couple s’établit dans le canton de Hull où il achète de Philemon Wright un terrain « à constitut » dans le « village d’en bas ». François commence, probablement en mai, à construire une maison en pierre.

Wright exige un loyer passablement élevé pour les terrains du « village d’en bas ». En plus du prix d’achat (50 livres), chaque propriétaire doit verser un loyer annuel de 6 livres payable en versements trimestriels. La survie de la maison de pierres et l’épaisseur de ses murs confirment que François y a investi une bonne partie de ses avoirs.

La P. Wright and Sons fait face à de sérieuses difficultés financières. En 1826, les dettes de Philemon sont si élevées qu’il doit contracter une hypothèque de 12 000 livres auprès d’un banquier de Montréal, Horatio M. Gates. De plus, Gates fait saisir un de ses radeaux pour non-paiement de dettes.

Lord Dalhousie, gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique de 1820 à 1828, donne des instructions détaillées au lieutenant-colonel John By pour l’aménagement de la rive sud de la rivière, où il vient d’acheter une grande partie des terres publiques environnantes. By doit planifier la conception des écluses et élaborer le plan d’une communauté destinée à la réalisation des travaux.

Philemon continue de croire que les nouveaux arrivants s’établiront à Wrightstown. En octobre 1826, il est occupé à dresser avec son arpenteur les plans du nouveau village à l’embarcadère. By ne lui a probablement pas parlé des ordres de Dalhousie relatifs à l’aménagement d’une ville sur la rive sud de la rivière.

Les plans des Wright sont déjoués. Leurs intérêts commerciaux sont confiés à des curateurs. Au début de 1829, les Wright intentent des procès contre leurs débiteurs, dont les huit propriétaires du village d’en bas. Aucun n’a payé de loyer en 1828, à l’exception de Booth et McGaffer qui perdent malgré tout leurs terrains et leurs domiciles à la fin de 1829.

François Charron est l’un des premiers à tomber. Le 30 janvier 1829, il renonce à son terrain no 1 du bloc 25 et à tous ses droits, au profit de la P. Wright and Sons. Il reçoit 62 livres et 6 shillings pour les améliorations apportées au terrain.

  1. Jean-Baptiste Poupart loue à son tour à constitut l’ancien lot no1 du bloc 25, ainsi qu’un lot adjacent. Il aménage une rallonge à la maison, du côté est. Cependant, après cinq ans, le 23 mars 1841, il rétrocède ces deux lots à Tiberius et Ruggles Wright, en paiement de ses dettes.

Ruggles, l’unique gestionnaire de la Cie, loue « la maison Poupart » à Michael Slaven en 1841, pour une période d’un an. Toutefois, une dispute a éclaté entre les héritiers de Tiberius Wright : en 1845, la cour du banc de la Reine accorde le site de l’actuel du parc Jacques-Cartier, au sud du couvent des Servantes de Jésus-Marie, sauf le lot 2, bloc 25, propriété de Jean-Thomas Booth, aux héritiers de Tiberius.

Le lot du parc Jacques-Cartier revient à Philemon (Ephraim) Wright, un des fils de Tiberius, qui le lègue à sa mère, Lois Ricker, qui le lègue le 19 janvier 1879 à sa fille Nancy Louisa Wright, épouse de John Scott, qui le lègue à son tour à sa fille Janet Louisa Scott.

En 1892, la Ottawa Transportation Company s’installe sur le terrain qu’elle loue. De 1892 à 1941, la maison sert à la fois de bureau à l’OTC et de résidence à des employés.

1912 – Janet Louisa Scott vend le lot à l’OTC.
1941 ‑ L’OTC le vend à la Commission du district fédéral.
1941-1958 – La maison sert de résidence.
1960 – La CCN la restaure.
1961 – Elle devient le lieu de rassemblement du Cercle des journalistes.
1966-1973 – Elle accueille le Musée de l’Outaouais.
1984 – L’intérieur subit de sérieux dommages à la suite d’un incendie.
2006 – Restaurée, elle devient, six mois par année, la Maison des Auteurs, ce qu’elle est encore aujourd’hui.

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[1] D’une superficie de 22,68 hectares, aménagé dans les années 1930.

[2] L’auberge Symmes date de 1831 et la Maison Thomas-Brigham que la population connait sous le nom de Ferme Columbia a été construite vers 1835.

[3] Constitut : rente constituée. En 1920, le tiers de Hull est sous ce régime.

Auteure : Louise Dumoulin